Où vont les vents sauvages by Nick Hunt

Auteur:Nick Hunt [Hunt, Nick]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Hoëbeke
Publié: 2020-01-20T11:29:01+00:00

Il existe deux types de fœhns, en Suisse, une division emblématique de celle du pays lui-même ; cette invraisemblable confédération composée de vingt-six cantons autonomes héberge plus de deux mille cinq cents communes, qui agissent majoritairement sans consulter leurs voisines. Mais la plus importante scission est principalement topographique : la chaîne de montagnes la plus éminente d’Europe se dresse au milieu en deux parties distinctes l’une de l’autre et sépare non seulement les langues et les cultures, mais le climat. Le Nordföhn, fœhn du nord, souffle vers les versants méridionaux des Alpes dans le Tessin italophone tandis que le Südföhn, le fœhn du sud, balaie les pentes septentrionales, dans les régions germanophones, qui comprennent la plus grande part du pays, les vallées romanchophones du canton des Grisons et du canton du Valais, entre France et Allemagne. Cette gigantesque barrière rocheuse crée une division climatique extrême – si le temps est dégagé dans le canton des Grisons, il pleut dans le Tessin, dit-on. Comme l’helm, le fœhn peut être prédit grâce à la présence d’une couronne de nuages blancs et lisses en suspens au-dessus des sommets. Le vent se forme grâce à un phénomène poétiquement appelé ombre pluviométrique : le bord exposé au vent d’une paroi montagneuse demeure parfaitement sec pendant que des nuages s’accumulent sur la face opposée, où ils déversent leur humidité. De la condensation retombant en pluie pendant qu’il grimpe le long des pentes, l’air est non seulement sec lorsqu’il dévale les autres, mais chaud, provoquant une envolée des températures à laquelle le fœhn doit son merveilleux surnom, Schneefresser, « le mangeur de neige ». Mais ce coup de vent aride peut également déclencher des catastrophes, raison pour laquelle j’avais autant sollicité mes jambes à travers les collines jusqu’à Heiden : en 1838, la combinaison du fœhn et du feu faillit balayer le village de la carte.

« La journée paraît plutôt belle, n’est-ce pas ? Mais regardez, vous voyez cette fumée ? » Devant mes demandes confuses et matinales dans un allemand tiré d’un guide de conversation au guichet de la mairie, où des réceptionnistes avaient gentiment eu pitié de moi, le musée avait ouvert ses portes spécialement à mon intention. L’homme parlant anglais qu’ils avaient appelé s’était incidemment révélé être un historien du nom d’Andres Stehli, qui me montrait une illustration encadrée sur le mur.

Au premier regard, elle semblait dépeindre une scène rurale et bucolique exposant le village avec son église et son clocher et des petites chaumières soigneusement réparties. Mais en l’inspectant mieux, les présages étaient aussi mauvais que ceux d’un récit initiatique : la robe azur d’une femme se gonflait dans la direction de la fumée d’une forge dont, en y regardant d’encore plus près, des étincelles s’échappaient du toit. C’était la Pudding Lane de Heiden ; le fœhn du sud avait charrié le vent au nord et submergé les bâtiments sur son passage. En quelques minutes, cent vingt-neuf maisons avaient flambé. Une seconde illustration montrait la scène plusieurs heures après : un terrain vague

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